Comment les artistes représentent-ils les choses et qu’est-ce que ça nous dit de nos rapports aux objets ? Réponse au Louvre dans une exposition réjouissante.
Quoi de commun entre la scène finale du film Zabriskie Point (Michelangelo Antonioni, 1971) où des tas d’objets sont propulsés dans les airs par une explosion, et une stèle funéraire égyptienne pleine de représentations de viande, de pain, de parfum ? Elles nous parlent des “choses” et du rapport que nous avons avec elles. Le musée du Louvre nous propose une nouvelle histoire de la nature morte des origines à nos jours, qui convie la peinture, la sculpture, la photo, le cinéma, l’art numérique.
“J’ai imaginé cette exposition non pas sur les choses mais plutôt sur notre dialogue avec les choses”, explique la commissaire de l’exposition, l’historienne de l’art Laurence Bertrand Dorléac. Et rien de “mort” ou de statique dans cette exposition de 170 œuvres sur la nature morte (le terme français de “nature morte” a été inventé tardivement, au XVIIe siècle, alors que l’anglais préférait le plus joli “still life”, vie immobile).
On est accueilli en préambule par cette fameuse scène de Zabriskie Point. Puis, dans la première salle, par La Madeleine à la veilleuse de Georges de La Tour (1642-1644) dialoguant avec la jeune fille qui dans Stalker de Tarkovski (1979) déplace un bocal par la force de son regard. Un extrait de Buster Keaton où les objets utilitaires sont suspendus au plafond côtoie un relevé de dessins de la sépulture de Gavrinis (Morbihan) représentant des haches.
Ces dessins datent de 3 500 ans avant notre ère et sont “la première nature morte connue de l’histoire de l’humanité”, raconte Laurence Bertrand Dorléac, qui s’est demandé “quand et comment était né le dessin des choses”, et qui a voulu, avec cette exposition, “franchir les frontières du temps et de l’espace, partant de notre sensibilité présente pour aller vers le passé”.