Le réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho, âgé de 55 ans, s’est fait une spécialité du nihilisme juvénile. Après le succès de sa satire sociale ‘Parasite’, il poursuit dans cette veine avec ‘Mickey 17’, une comédie noire de science-fiction.

Le protagoniste, Mickey Barnes (interprété par Robert Pattinson), est un capital-risqueur du millénaire à la voix aiguë. En 2054, il rejoint une colonie sur la planète lointaine Niflheim en tant que “Sacrifiable”. Son rôle consiste à tester l’habitabilité de l’environnement, symbolisant l’anomie non essentielle de la jeunesse désabusée d’aujourd’hui.

Mickey meurt à plusieurs reprises et est répliqué comiquement via une imprimante 3D. Une intrigue secondaire implique l’agent de sécurité Nasha (Naomi Ackie), qui entretient des relations avec Mickey 17 et son clone Mickey 18, mettant en avant une vision cynique des relations humaines. Bong rationalise cela en opposant le Mickey 17 excentrique aux plans de Mickey 18 visant à assassiner Kenneth Marshall, le développeur fasciste de Niflheim, interprété par Mark Ruffalo. Ce personnage caricatural rappelle une imitation médiocre de Donald Trump, confirmant le sous-texte politique prévisible du film.

Bong Joon-ho se distingue par sa fascination pour la menace fasciste, normalisant la révolte des classes dans ‘Parasite’ et ‘Snowpiercer’, et satirisant la tyrannie corporative dans ‘Okja’ et maintenant ‘Mickey 17’. Son approche mêle des astuces de science-fiction satiriques et élégantes pour vendre la paranoïa aux spectateurs de la génération Z, qui, à l’instar de Mickey, manquent de fondement moral. Bong présume qu’ils recherchent dans la culture pop une validation de leur pessimisme, une stratégie oscarisée qui pourrait ne fonctionner qu’une seule fois.

Il y a des décennies, avant 2054 et l’annihilation de l’espoir, la culture jeunesse politisée protestait pour l’humanisme et contre l’industrialisation. Cependant, Bong utilise Mickey pour exploiter l’anonymat de l’ère numérique. Pattinson, qui privilégie les personnages anomiques dans ‘Cosmopolis’ et ‘The Batman’, incarne ici une version dégradée du personnage de Walter Mitty. La comédie désastreuse de science-fiction ‘Mickey 17’ dépeint l’avenir de la déshumanisation de l’humanité.

Les parallèles politiques dans ‘Mickey 17’ sont si évidents qu’ils prouvent que Bong flatte les préjugés séculiers que seuls les adolescents naïfs pourraient considérer comme avant-gardistes. ‘Parasite’ aurait pu être réalisé par n’importe quel Américain doté de l’habileté de Bong, comme David Fincher ou les Daniels, Kwan et Scheinert, qui ont réalisé ‘Everything Everywhere All at Once’.

La version sud-coréenne de Bong du sarcasme occidental et de la construction d’un monde high-tech lui a valu la réputation d’un hipster kubrickien. La lamentation mortelle de Mickey, “Comment ai-je survécu à ça ?”, exprime le scepticisme millénaire. Il est trahi par son ami Timo (Steven Yeun) qui se moque en disant : “Qu’est-ce que ça fait de mourir ? Je suis sûr que tu t’y es habitué maintenant. Mais quand même…”.

Ce “Mais quand même” est une perversion du concept bouddhiste de transcender la mort, ce qu’on appelle “Bardo” lorsqu’il est emprunté à la mode du ‘Livre tibétain des morts’, période entre la mort et la renaissance ; l’humanité futuriste le trompe par la réincarnation technologique. Mickey est ainsi réimprimé à plusieurs reprises avec un nouveau corps, accompagné de ce qu’il appelle “transplantation de mémoire et blabla religieux”.