Formé en 2012 pour un hommage au jazzman Sun Ra, le groupe Supersonic de Thomas de Pourquery est toujours actif et à l’affiche, dix ans plus tard. Après trois albums et un succès grandissant, l’électrisant sextette fête son anniversaire vendredi 4 novembre à Paris, au Trianon. Son fondateur se replonge dans l’histoire du groupe.
Dix ans de vie pour un groupe, ça se fête. En 2012, le saxophoniste, chanteur, auteur-compositeur et acteur Thomas de Pourquery réunissait de brillants musiciens pour célébrer l’œuvre de l’un des artistes les plus stratosphériques qui aient vu le jour sur la planète jazz : Sun Ra (1914-1993). Supersonic était né (le nom du groupe est inspiré du titre d’un album du pianiste et compositeur américain), regroupant autour de Pourquery le saxophoniste Laurent Bardainne, le claviériste Arnaud Roulin, le batteur Edward Perraud, le trompettiste Fabrice Martinez et le bassiste Frederick Galiay.
Trois albums sont sortis, parallèlement aux belles carrières des membres du collectif : Play Sun Ra (2014) , Sons of Love (2017) et Back to the Moon (2021) sans oublier The Bride, la bande-son du court métrage éponyme qui met en scène les membres de Supersonic. Une épopée distinguée aux Victoires du jazz ( album de l’année 2014 , puis artiste de l’année 2017 pour Thomas de Pourquery) et à l’Académie du Jazz ( Prix Django Reinhardt 2021 pour Pourquery).
Joyeux, puissant et électrisant sur scène, fusionnant volontiers son jazz avec du rock ou de la pop, Supersonic fête son anniversaire le 4 novembre au Trianon , à Paris. Le groupe revisitera son répertoire et accueillera des invités. L’occasion pour Thomas de Pourquery de survoler une décennie de musique et d’émotions, pour Franceinfo Culture.
Franceinfo Culture : Quand vous avez formé Supersonic, imaginiez-vous qu’il existerait encore dix ans plus tard ?
Thomas de Pourquery : Pas du tout. J’ai monté ce groupe pour jouer de la musique de Sun Ra. Je me disais que peut-être, par la suite, on se retrouverait pour en jouer de temps en temps. Je n’avais pas projeté quoi que soit au-delà de l’enregistrement de cet album et de le jouer sur scène, ce qui dure généralement deux ans. Les choses se font petit à petit, comme une histoire d’amour ou d’amitié, avec la confiance dans cet amour qu’on a les uns pour les autres et notre grand bonheur de jouer tous ensemble. C’est le nerf de notre organisme commun. C’est comme ça que ça marche depuis le début, avec des envies successives. Tant qu’il y aura cette envie, ça va continuer.
Trois adjectifs pour qualifier cette aventure ?
Libre, extatique, intrépide.
Petit voyage spatio-temporel dans l’histoire de Supersonic… Votre plus grande décision (depuis celle de former le groupe) ?
La décision de faire le deuxième album a été cruciale dans la vie du groupe, parce que ça l’a lancé en tant que tel, sans Sun Ra. Mais on reste les enfants de Sun Ra ! Sun Ra, c’est notre père et notre mère. À un moment, tous les enfants s’émancipent de leurs parents. Mais on continue de l’aimer très fort, on mange avec lui tous les dimanches, on a gardé ce rituel : à tous nos concerts, on joue un morceau de Sun Ra, Love in Outer Space . On ne s’en lasse jamais. C’est peut-être l’une des plus belles chansons d’amour du monde jamais écrites, par un extraterrestre en tout cas ! Ce lien est extrêmement fort. En même temps, c’est aussi Sun Ra – et son esprit – qui a participé à nous guider vers notre propre son, et qui nous a aidé à suivre nos propres envies. Sur scène, il naviguait entre plusieurs styles dans une liberté totale. Cette liberté qu’on s’accorde, je crois que c’est ce qui nous rapproche aujourd’hui de Sun Ra, plus que sa musique en tant que telle.
La plus grande qualité du groupe ?
Son énergie.
Le plus grand moment en studio ?
Je vous réponds plutôt par un souvenir très fort : la première fois qu’on s’est rencontrés. Ce n’était pas en studio d’enregistrement mais c’était notre première répétition, la toute première fois où on a joué ensemble. On était tous en larmes assez rapidement. Je ne sais plus sur quel morceau c’est arrivé. C’était un tel bonheur, tout s’emboîtait si simplement. Cette énergie dont je parlais était déjà présente. Il y avait une alchimie entre ces six êtres humains qui était assez magique, comme si on s’était fabriqué, tous les six, cet être musical… C’était dingue. C’est tellement rare de ressentir un truc pareil. Après, en studio, on a plein de bons souvenirs. Pour chaque album, c’est des aventures différentes. C’est aussi ce qu’on recherche. Pour Back to the Moon, c’est la première fois qu’on allait vraiment dans un studio. Les deux albums précédents ont été enregistrés plutôt dans des maisons avec plein de micros. C’est des façons de faire différentes. Pour le prochain, on fera peut-être encore autrement.
Rappelez-nous comment vous avez formé Supersonic.
Il y avait des vieux frères de musique, comme Laurent Bardainne, Arnaud Roulin et Edward Perraud que je connaissais depuis longtemps. Concernant Fabrice Martinez, j’étais juste fan de ce musicien. Quant à Frederick Galiay, je ne le connaissais pas. Je cherchais un bassiste et son nom m’a été soufflé par Laurent : il m’a conseillé d’écouter le duo Big qu’Edward formait avec Fred Galiay. Je suis allé l’écouter et je me suis dit : voilà, c’est ça qu’il me faut pour faire la rythmique. Ça a été fou parce qu’on ne sait jamais ce qui va se passer quand on a des intuitions de réunir des gens… C’est comme en cuisine, quand on essaie d’assembler des ingrédients, le plat ne sera pas forcément délicieux !
Le plus grand concert ?
C’est toujours le dernier en date ! C’est un tel bonheur, à chaque fois… Ou alors c’est celui à venir. Mon plus grand souvenir, c’est le prochain concert ! [il rit]
Le plus grand album de Supersonic ?
C’est pareil, c’est le prochain. Je le dis sérieusement. Sinon, on arrêterait de faire des disques. Si on se disait : bon, j’ai fait mon meilleur disque… Et puis c’est tellement subjectif. Au sein du public, chacun a sa préférence… Donc pour moi, c’est vraiment le prochain, c’est ce qui nous excite, nous anime : réfléchir à ce qui est devant nous.
Le plus grand morceau ?
Je réfléchis… C’est comme si vous me demandiez de choisir lequel de mes enfants je préfère. Je crois qu’il n’y a pas de réponse. Ça doit dépendre des jours… Je n’ai pas vraiment de morceau préféré, je les aime tous, vraiment.
Le moment le plus difficile ?
Quand notre bassiste Frederick Galiay a eu la méningite, il a frôlé la mort [durant l’été 2015]. Pendant quelques semaines, on ne savait pas ce qui allait se passer. Ça a chamboulé énormément de choses en nous. On allait perdre notre frère, notre ami. C’était terrible. Je ne me voyais pas continuer Supersonic sans lui. Mais Fred s’est battu pour rester en vie, il a été un guerrier, comme il l’est sur scène. Le jour où on a su qu’il était sauvé demeure l’un des plus beaux moments de notre vie, et de notre vie de groupe aussi. Cela a encore plus attisé la flamme et notre envie de jouer ensemble.
Une grande déception, un grand regret ?
Très clairement, non. Des projets fabuleux, des tournées n’ont pas pu se faire -encore. Il n’y a aucune fatalité. Je n’ai pas de grande déception.
Le plus grand espoir pour Supersonic ?
C’est qu’on continue dix ans de plus, minimum ! Tant qu’il y aura ce bonheur à être ensemble sur scène, qui n’a pas de prix. Nous sommes les six mêmes musiciens à constituer ce groupe qu’il y a dix ans, c’est assez rare.
Le plus grand espoir pour Thomas de Pourquery ?
Que les gens que j’aime aillent bien. Il n’y a rien au-dessus.
Thomas de Pourquery & Supersonic en concert à Paris
Vendredi 4 novembre 2022 au Trianon , 19H30 (avec 1re partie)