Alexandre Aja réussit à illustrer la frustration de nombreux parents face à l’incompréhension de leurs enfants lorsqu’ils tentent de les protéger des dangers qu’ils ne peuvent percevoir.
Pour de nombreux parents, persuader leurs enfants d’écouter leur sagesse acquise au fil des années et de ne pas commettre les mêmes erreurs est un défi redoutable. Les adultes sont responsables du monde parce qu’ils ont assez vécu pour en connaître les dangers, mais chaque nouvelle génération semble croire qu’aucun mal ne peut survenir en jouant avec des allumettes ou en rentrant après le couvre-feu. Cette envie contradictoire de protéger nos enfants des traumatismes qui nous ont façonnés tout en leur laissant assez d’autonomie pour devenir des adultes accomplis est souvent l’une des grandes questions de la parentalité.
Le film “Never Let Go” d’Alexandre Aja illustre cette difficulté parentale avec une métaphore littérale. Une femme, simplement appelée “Mama” (Halle Berry), vit avec ses deux fils, Samuel (Anthony B. Jenkins) et Nolan (Percy Daggs IV), dans une cabane isolée en pleine forêt où la survie est une tâche à temps plein. Cela fait des années que le monde est dévasté par une forme abstraite de mal invisible, qui a tué son mari et détruit la société telle qu’on la connaissait. Ce mal peut prendre toutes sortes de formes, modifiant la perception de la réalité au point où il serait possible de tuer sa propre famille sans s’en rendre compte. Il n’affecte que les adultes, et leur cabane semble être le dernier endroit sur terre que le mal ne peut atteindre. Naturellement, Mama avertit constamment ses enfants de ne jamais quitter la maison.
Pourtant, ils doivent toujours sortir dans la forêt chaque jour pour chercher de la nourriture. Un système élaboré de cordes les empêche de se séparer complètement de la maison. Des kilomètres de corde sont attachés à la fondation de la maison via un mécanisme de poulie, et personne n’est autorisé à poser sa corde tant qu’il n’est pas de retour en sécurité à l’intérieur. Ce système, bien que précaire, réussit à éviter les catastrophes, mais il devient difficilement tenable à mesure que les enfants commencent à remettre en question les consignes parentales.
Samuel et Nolan n’ont jamais connu autre chose que cette vie, mais ils commencent déjà à se demander ce qui pourrait se trouver au-delà. Alors qu’ils se nourrissent d’insectes et d’écorce d’arbres, de vieilles photos Polaroid éveillent leur curiosité sur un monde d’avant l’apocalypse où ils auraient pu viser plus haut sur la pyramide de Maslow. Mama se retrouve dans une situation paradoxale : elle est nostalgique du passé, tout en sachant que toute information qu’elle divulgue pourrait détourner l’attention de ses fils des dangers invisibles qui la hantent chaque nuit. Ses craintes se confirment rapidement – et dès que les garçons commencent à explorer la forêt par eux-mêmes, des années de protection méticuleuse s’effondrent, car ils sont tous confrontés à un monstre capable de déchirer leur perception de la réalité.