Tous les jours, une personnalité s’invite dans le monde d’Élodie Suigo. Aujourd’hui, elles sont trois : les auteurs, compositeurs et interprètes Grand corps malade, Ben Mazué et Gaël Faye. Ils forment un trio et viennent de sortir un mini-album de sept titres, “Éphémère”.
Grand Corps Malade (Fabien Marsaud), Ben Mazué et Gaël Faye sont pour un temps un trio annoncé comme éphémère. C’est d’ailleurs le titre de leur premier album, un premier bébé qui a donc trois pères engagés, trois plumes qui n’en font qu’une, tant leur amour et leur passion pour les mots, les verbes, les flots et même la poésie les animent.
Le mini-album Éphémère d’ Éphémère est sorti le 16 septembre 2022 et se compose de sept titres inédits nés de leurs points communs et de leurs expériences qui, finalement, se répondent. C’est aussi l’occasion de les découvrir différemment, tour à tour conteurs, raconteurs, slameurs, interprètes, auteurs, kidnappeurs et voleurs !
franceinfo : Vous êtes tous les trois très sollicités, mais vous avez quand même souhaité prendre le temps de faire un projet en commun. Ça veut dire que vous avez eu besoin vous-mêmes de vous offrir une bulle d’oxygène ?
Grand Corps Malade : Oui, c’est vraiment ça. C’est-à-dire que le premier objectif de ce projet, c’est de prendre cette semaine-là et le temps d’être ensemble, de discuter, de profiter, de jouer. On a fait de grosses journées, mais en même temps, on n’a pas vu le temps passer. Le premier objectif avant d’imaginer qu’il y ait un album, c’était de se retrouver tous les trois pendant une semaine.
Il a fallu attendre ce trio pour vous découvrir davantage les uns et les autres. Je voudrais qu’on parle de Sous mes paupières, une chanson est incroyable de lâcher-prise. C’est vrai que vous nous prenez par la main et on a l’impression d’être avec vous, d’intégrer vos vies, de faire partie de votre photo de famille. Justement, comment avez-vous travaillé sur l’écriture ?
Ben Mazué : Chaque chanson avait son processus. Pour Sous mes paupières, c’était une phrase de Gaël Faye qui disait : “Des images sous les paupières, tiens, si on partait de ça“. Et nous, on a tout de suite trouvé ça cool avec Fabien en répondant : “Oui, ça c’est bien, on le fait”.
Dans cet album, vous replongez dans votre enfance. Évidemment, c’est une caisse de résonance aussi pour celles et ceux qui vous écoutent, nous-mêmes, on se replonge dans la nôtre. Même si vous n’aimez pas parler de vos rêves, vous rêviez à quoi, enfants ?
Gaël Faye : Ce dont je me souviens de l’enfance, c’est l’instant, c’est habiter l’instant. C’était “Demain, c’est très loin” et c’est ce que j’ai adoré dans ce projet éphémère. Et la chanson Ephémère parle aussi de ça, c’est-à-dire habiter cet instant qui est là, qui va nous échapper.
J’adore l’écriture, parce que c’est la mémoire. Revenir à l’état d’enfance et habiter l’instant, c’est le meilleur.
Fabien, vous vouliez être basketteur et il y a cet accident de piscine qui vous empêche de réaliser votre rêve. Ben, vos études de médecine n’étaient pas forcément ce qui vous intéressait puisque vous aviez cette fibre artistique. Gaël, vous avez du quitter votre pays natal, le Burundi, et arriver en France à treize ans dans une famille d’accueil. C’est important de mettre le doigt sur les souvenirs, de partager ça avec le public ?
Grand Corps Malade : Oui, bien sûr. D’autant plus que la mémoire est vraiment quelque chose qui me passionne. Je suis réputé dans ma famille pour avoir une très bonne mémoire et je suis un vrai nostalgique donc celle-ci fait vraiment partie de ce qui me nourrit. Mais oui, évidemment que la mémoire, c’est un terrain incroyable pour l’écriture puisqu’on a quand même passé les 40 ans tous les trois, et qu’on commence à avoir quelques virages de vie et quelques années d’expérience. Donc quand tu te retournes là-dessus, ça fait quand même plein de choses à raconter.
Les souvenirs, ça construit une vie, ça façonne ?
Gaël Faye : Oui, les souvenirs, c’est le coffre-fort dans lequel je vais puiser pour l’écriture. Je viens aussi d’une histoire qui a peu de mémoire, je n’ai pas de photos d’arrière-grands-parents par exemple. Au Burundi, au Rwanda, on a très, très peu de mémoire donc j’ai toujours considéré que c’était extrêmement important de la travailler et de passer par l’art pour la préserver.
Besoin de rien est une chanson qui prend aux tripes, c’est une communion en fait !
Ben Mazué : Oui, c’est ça. Et je pense aussi qu’il y a le passé de Gaël et de Fabien ( Grand Corps Malade ) qui se connaissent à partir de ça, à partir de ce besoin de rien, juste un micro et lancer un texte. Dans leur manière d’écrire sur ce morceau, ils se sont un peu rappelés les ateliers d’écriture. Ils ont écrit avec une contrainte, ça s’entend. En fait, chacun récupère à chaque fois la dernière rime de l’autre pour repartir sur un texte. Il y a un côté un peu cadavre exquis, un peu contraint, qui était assez agréable. Et moi, de mon côté, je fredonne un petit air, ce sont les vocalises que je fais avant de monter sur scène, en fait. On a juste samplé ça.
Ce projet est une continuité : aller chercher cette liberté qui est essentielle pour vous trois ?
Grand Corps Malade : Oui. Je pense que ce projet, c’est énormément de liberté.
Il y a un petit carnet de bord qui accompagne le cd pour lequel un auteur et une illustratrice nous ont suivis toute la semaine pour expliquer les coulisses, le making-off de toute cette semaine de création. Et sur la première page du carnet de bord, il y a le premier message que j’ai envoyé à Gaël et Ben. J’ai créé un groupe qui s’appelait Dinguerie et tout de suite je disais : venez, on fait un truc un peu en dehors des codes, juste pour nous, juste pour s’amuser. On verra ce qui se passe. Peut-être on fera un concert de ça, peut-être pas. Au moins venez, on s’enferme pendant une semaine pour s’amuser ensemble. On ne savait même pas si un jour ça sortirait.
Cette semaine de création ensemble, c’était beaucoup de liberté. La liberté donne de l’envie, donne du jeu et finalement donne un résultat dont on est fiers parce que finalement on a bossé un peu !